Youssoupha : quand le rap se veut bienveillant et rassurant.

En 20 ans de carrière (il sort fin 2005 un street DVD, « Éternel recommencement » bien que des projets précédents existaient déjà, mais pas comme artiste solo), Youssoupha Mabiki Zola, dénommé tout simplement Youssoupha comme chanteur, n’a jamais récolté de Victoire de la Musique.


Il ne dispose pas non plus d’un NRJ Music Awards dans sa bibliothèque (il a toutefois été nommé dans ces deux compétitions). Il n’a jamais vu l’un de ses albums atteindre le sommet des ventes que ce soit en France ou en Belgique. Et il est loin d’être l’artiste le plus « streamé » de sa génération.


Pourtant, Youssoupha a sorti sept albums studio (le dernier, Amour Suprême, date de cette année) et certains de ses textes sont de vrais bijoux.

Loin de l’image du rappeur-gangster qui semble attiser les convoitises des plus écervelés, Youssoupha n’assène pas une suite interminable de jurons en franglais, ne fait pas état d’un quelconque braquage et n’encourage pas au viol, au vol, au rapt ou au meurtre.

Non, Youssoupha n’utilise pas ce langage-là. Il est père de famille et fier de l’être, comme il l’exprime avec tant de compassion et d’amour dans « Dieu est grande », ôde bienveillante dédiée à sa fille Imany dont voici un extrait.

« N’écoute pas les peurs et les beaux parleurs
Moralisateurs, leur cœur est minime
Ils ont cette façon de d’mander pardon
Pardon à Dieu et jamais aux victimes
On peut s’aimer sans toujours être d’accord
On peut s’aider même si on s’connaît à peine
Si t’as des enfants, apprends-leur d’abord
C’que t’aurais aimé qu’à toi, on t’enseigne »

Alors oui, il a été accusé d’avoir menacé publiquement Eric Zemmour, mais fut reconnu non coupable en appel et s’est exprimé sur le sujet.

La musique de Youssoupha se veut rassembleuse et rassurante, ce qui ne l’empêche nullement d’être fier de ses racines africaines. Il est en effet né à Kinshasa, d’un père Congolais et d’une mère sénégalaise, mais c’est en France qu’il grandit et qu’il réussit avec brio ses études. Ce pays qu’il défend et qui le lui rend finalement bien en le nommant Chevalier des Arts et des Lettres en 2016.
Il faut dire qu’il a la plume habile, comme dans ce « Polaroïd Experience » dont voici un très court extrait :
« Mon continent est gravement atteint et je gamberge
Je vis parmi les diamants mais je meurs dans la merde
Je suis le fils du Congo, je suis le fils de Kin
Je suis le fruit d’un complot, je suis le fruit d’un crime
J’ai eu un fils avant ma fille ça c’est le choix du roi
J’ai eu un disque avant mon fils ça c’est le choix du rap
Je suis un père parano, qui flippe des lendemains
Moi, J’suis un père par amour car j’ai pas vu le mien »

Sur la scène principale des Solidarités, c’est avec son sourire légendaire que Youssoupha fait son entrée. Short en jeans à poches, baskets blanches et bleues, tee-shirt noir recouvert d’une veste sans manche sur laquelle figure, dans le dos, la mention « T’avais jamais entendu de rap français », l’artiste est en mode décontract.

Il ne lui faut pas une chanson complète pour venir à la rencontre du public. Son pas énergique emprunte l’avancée, et le voici au plus proche des fans des premiers rangs. « On pensait venir cool en après-midi. A cette heure, il n’y a pas toujours du monde en festival. Mais là, vous êtes déjà en mode attaque. Nombreux et motivés. Avec une telle énergie, il serait possible que l’on passe le meilleur concert de l’été ici, maintenant ».

Youssoupha sait comment parler à la foule. Mais c’est vrai qu’au fait « On se connaît » si l’on s’en réfère à son hit sorti dès 2012 (en décembre, donc certains vous diront en 2013).

Vous l’aurez deviné, le moment fut plus qu’agréable avec ce rappeur non conflictuel, qui est, si vous ne le saviez pas, l’oncle d’une artiste bruxelloise bien connue du monde de l’urbain, à savoir la percutante Shay.

Ps : si le cœur vous en dit, Youssoupha n’a pas encore de date pour son prochain concert en Belgique, mais il viendra à quelques encablures à peine, à Esch-sur-Alzette (Luxembourg) ce 15 novembre 2025, à la Kulturfabrik. A bon entendeur…
Retrouvez les clichés du festival sur la page FB – ReMarck Photos.