Un autel rue de la Paix.
Certains d’entre vous fredonnent sans doute un air bien connu de Zazie en lisant ce titre. C’est un peu, avouons-le, le but recherché. Mais les paroles de la chanson évoquent un hôtel et non un autel. Ce n’est pas une erreur… ou plutôt si, mais volontaire, et vous comprendrez pourquoi en vous plongeant dans cet article.
Maintenant que votre curiosité a été piquée au vif. Plongeons nous ensemble dans cette troisième (et dernière) journée de l’édition 2023 du Les Gens d’Ere, un festival qui prend de l’ampleur au fil des ans, mais qui a le bon goût de grandir progressivement, à pas feutrés.
Le premier à prendre le micro ce dimanche est Antoine Armedan. Auteur compositeur interprète belge, amoureux des mots et des mélodies, celui qui représente visuellement le beau-fils idéal, a entamé voici quelques mois une tournée particulière uniquement en train et à vélo, baptisée « Zéro carbone sous les comètes« . Au total, plus de 150 concerts sont prévus, devant environ 8000 personnes. Soit l’équivalent de Forest National. A quelques dates de son objectif (son pari prendra fin le 22 septembre), celui qui défend son nouvel album, Des plumes sous les comètes, tient toujours la forme, comme l’atteste sa prestation, dans laquelle s’est glissé un titre de circonstance « Danser sous la pluie », même si ce premier concert de la journée se déroule, lui, sous chapiteau.
On quitte le cocon de douceur tissé par l’artiste vert (surnom donné pour son implication dans la protection de la planète) pour aller se confronter au rock pur de Goodbye Fortune Tellers. Les guitares électriques sont de sortie pour le trio bruxellois. Laura et ses Simon (l’un étant chanteur et guitariste, l’autre batteur) prennent véritablement possession de la scène pour faire monter le thermomètre.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore, nous vous renvoyons notamment au clip de City Lights qui synthétise assez bien le style affiché par le groupe. Mais en live, c’est encore mieux. Même confrontés à quelques soucis techniques (très passagers, rassurez-vous), les musiciens/chanteurs ne se démontent jamais, assurant quoi qu’il arrive un show percutant. Et pourtant, une reprise de France Gall est programmée au line-up. Cela vous étonne ? Non, c’est une version rock, évidemment, plus proche de celle de Arcade Fire, de « Poupée de cire, poupée de son« .
Pour ceux qui sont près à effectuer un grand écart, musical et culturel, voire générationnel, la suite non logique du programme se compose d’un groupe apprécié des plus petits, je parle des Déménageurs. J’avoue que là, nous sommes un peu dans l’inconnu, mais les enfants, parents, et enseignants connaissent paroles et chorégraphies imagées.
C’est frais, et c’est un signe très visible qu’à Ere, toutes les tranches d’âges sont les bienvenues. Lili (Marie-Rose Mayele) au chant et aux danses, Nelson (Perry Rose) à la guitare (et au tuba), Stoul (Thierry Hercod) à la vielle à roue, flûtes et banjo et Georges (Jonathan De Neck) à l’accordéon diatonique vous invitent à leur toute dernière tournée, avec toujours la même énergie et le même enthousiasme, car oui, le groupe formé voici déjà une vingtaine d’années par Yves Barbieux remplit ses dernières salles (ici un chapiteau en l’occurrence).
Si les plus jeunes sont bien au sec, c’est sur la scène « plein Ere » qu’arrive Colt, accompagné des premières gouttes de la journée. Le duo formé par Coline et Antoine s’est entouré pour cette tournée de musiciens et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça sonne bien.
Le français remplace progressivement l’anglais dans le répertoire du jeune groupe dont les notes pop folk sont portées par la superbe voix puissante, mais toute en nuances, d’une chanteuse chez qui l’on décèle de nombreuses années de pratique vocale intensive (Coline a pratiqué le chant lyrique et joué dans plusieurs comédies musicales). Pour ceux qui n’auraient pas encore eu le privilège de les voir en live, jetez un coup d’œil (et tendez l’oreille) sur les clips de Insomnies et Ramenez-moi.
Retour sous la protection de la bâche du chapitô pour les rythmes tropicaux de Fugu Mango. Créé à Bruxelles en 2013, le groupe FùGù Mango est un concentré d’indie pop, de beats afro et de dance music. Habitué des scènes de festivals, le band de Vincent Lontie apporte toujours ce rayon de soleil qui nous transporte au bord d’un lagon aux eaux cristallines.
Et oui, vous en conviendrez, on en a bien besoin ces derniers jours (rires). Quoi qu’il en soit, j’adhère à ces percussions enivrantes, cette « soul » chaloupée afro caribéenne et ces harmonies posées qui en un clignement d’œil nous font traverser l’atlantique comme sur Blue Sunrise ou Mango Chicks.
On revient un peu plus près, dans l’Hexagone, et plus précisément dans les Yvelines, pour retrouver les 47 Ter, un trio de rap formé en 2017 par Pierre-Paul, Blaise et Lopes. Si leur développement fut un peu retardé par une pandémie sanitaire (oui, ce covid qui nous a privés de tant de concerts), la sortie de leur titre « On avait dit » leur donne accès aux ondes radios. Leur style mêlant funk et rap, en français, sans agressivité ni termes orduriers gratuits, est désormais reconnu par une belle communauté de fans.
Il faut dire que le groupe sait utiliser les supports mis à sa disposition. Un logo reconnaissable, une ligne de merchandising complète, un jeu scénique travaillé… Les adeptes sont soignés aux petits oignons. Et la communauté répond présente puisque la date de l’Olympia (le 06/10/23) affiche complet depuis plus de deux mois déjà. Leur concert à Ere était donc attendu de pied ferme. Avec comme cerise sur le gâteau, une demande en mariage ! Et oui, une vraie demande, en live, sur scène, durant la prestation du groupe. Et madame a répondu oui (d’où le terme autel du titre, pour ceux qui suivent).
Après tant d’émotions, retrouvons un géant au grand cœur avec le passage tout aussi attendu de Saule.
Sans en avoir l’air, Baptiste, de son prénom à l’état civil, est une machine à hits. Qui n’a jamais entendu Dusty Men ? Ce duo en franglais avec Charlie Winston est incontournable. Ou fredonné l’entraînant « La B.O. de ma vie » qui passe régulièrement en radio ? Là, c’est avec Antoine Delie que Saule partage l’affiche. Mais ses singles en solo sont tout aussi percutants. Il n’y a qu’à être attentif au texte de « Comme » pour le comprendre. Saule est un écrivain musical. Ses romans, il les livre juste en chansons plutôt que sur papier. Loin du star système instauré par certains, Saule est « Un type normal » qui s’assume.
Mais il nous faut quitter le chapiteau qui nous abrite (NDLR : ceux qui n’ont pas envie de s’exposer aux éléments avaient la possibilité de rester couverts car un écran géant au sein de la structure permet de voir les concerts de la scène Plein Ere, et ça c’est une très bonne idée) pour aller rejoindre le front stage extérieur. Oui, nous sommes des privilégiés (pour les trois premiers morceaux seulement, ne sifflez pas trop vite) mais c’est la condition sine qua non pour nous permettre de vous rapporter quelques clichés du prochain concert.
De nombreux festivaliers sont en effet massés devant les barrières pour assister à la prestation de Madame Zazie. On change de créneau, et de catégorie diront certains, car Zazie est l’une des références de la musique française, mais ne croyez-pas qu’elle se la joue diva pour la cause. Il n’est en effet pas rare que l’artiste donne de sa personne pour soutenir les causes les plus nobles. Mais même au quotidien, Zazie fait preuve d’un savoir vivre hors du commun. Toujours polie, elle est l’une des premières à effectuer ses balances, parfois des heures avant sa propre prestation, afin de permettre à d’autres d’arriver sur le site un peu plus tard. Certes, elle n’apprécie pas les bains de foule et ne se plie que très rarement aux séances de selfies, mais si elle devait agir de la sorte, pas certain qu’elle puisse encore approcher la scène à temps pour son concert.
Il faut dire que le catalogue des titres connus de Zazie semble sans fin et je ne parle ici que de ceux interprétés par la chanteuse, et non ceux écrits par l’auteure puisqu’elle dispose aussi de cette corde à son arc. Bref, tout le monde est capable de chanter plusieurs chansons de dame Zazie, nous en avons encore eu la preuve lors de cette sortie extraordinaire de la femme aux multiples casquettes (mais au seul chapeau).
Après une telle référence, seul un artiste peu commun pouvait proposer un set clôturant en apothéose cette édition, certes endeuillée, mais pour le moins réussie du festival. C’est l’homme au masque de singe, Kid « monkey face » Noize qui a rempli avec brio cette mission.
Rendez-vous, espérons-le, en 2024 à Ere.
Et d’ici là, retrouvez les clichés du festival sur la page Facebook – ReMarck Photos.