Huit ans après son deuxième album, Jali revient enfin sur le devant de la scène

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Avec Paysages, son 3e album, sorti début 2023, l’artiste qui avait connu une entame de carrière fulgurante (Des Jours et des Lunes sorti en 2011) effectue un retour attendu. Au terme de sa prestation toute en délicatesse à l’Inc’Rock festival, Jali nous a accordé une interview à son image, naturelle et pétillante.

Confestmag: vous voici de retour après une pause, qui nous a paru très (trop) longue. Il était temps!

« Oui, mais c’était une pause à la fois volontaire et due à un (mauvais) concours de circonstances. Il faut savoir que j’ai un parcours un peu atypique car dès mes débuts « professionnels » en 2011, j’ai trouvé une maison de disques qui a produit un album qui comprenait la plupart de mes chansons de l’époque. Tout s’est donc passé très vite dans le début de ma carrière, contrairement à beaucoup qui galèrent.

Par contre, mon deuxième album (en 2015) a rencontré un accueil mitigé de la part du public. Cela n’a pas vraiment plu à la maison de disques et je me suis donc retrouvé en indépendant. Si l’on replace cela dans le contexte, c’était la crise du disque, le streaming débarquait d’on ne sait où, personne ne comprenait encore grand-chose à ce nouveau mode d’acquisition de la musique et je suis donc passé un peu à la trappe.

J’en ai profité pour prendre un peu de recul histoire de me remettre à l’écriture de chansons et de réfléchir à la suite de mon développement, en indépendant, comme c’était alors le cas, ou de nouveau m’engager avec une maison mère. Et soudain, tout s’est mis sur pause avec l’arrivée du Covid. J’avais déjà une bonne partie d’un album prêt à sortir, mais ce n’était juste pas le bon moment du tout (rire).

Pour vous, cela peut paraître long, mais de mon côté c’est passé encore relativement vite car j’ai été confronté à de nombreux obstacles et qu’y faire face a sollicité beaucoup d’énergie. Cela dit, je suis très content d’être enfin de retour sur le devant de la scène ».

Confestmag: cet album « Paysages » a donc été écrit avant cette pandémie ?

« C’est un mix de plusieurs périodes en fait car certains morceaux datent bien d’avant cet épisode particulier de notre existence, mais le confinement m’a également donné l’occasion de m’appliquer encore un peu plus à l’écriture personnelle. Je n’ai jamais vraiment arrêté d’écrire, mais jusque-là je m’étais embarqué dans un cercle presque vicieux de fournir mes compositions à d’autres artistes.

J’étais devenu un auteur de l’ombre. Je n’étais pas hors du circuit, car j’ai travaillé à de nombreux projets, mais je m’étais habitué à ne plus devoir supporter la pression de porter moi-même les titres. C’est un confort non négligeable. Mais pendant cette période « covid », j’ai pris conscience que j’avais encore un message à faire passer. J’ai donc remis la main sur toutes les compos que j’avais un peu mis de côté, soit une quarantaines de possibles chansons, et j’ai fait un tri de celles qui pourraient figurer sur un album. Entretemps, quelques titres sont venus s’y ajouter… »

Confestmag: … dont un que vous expliquez, lors du concert, avoir écrit le 01 janvier 2021 (Les années folles).

« Effectivement. Et c’est d’ailleurs l’une des dernières chansons composées. Une des seules qui n’était pas encore bouclée avant la pandémie. J’avais déjà un track list en tête, mais j’ai ressenti une urgence de coucher sur papier mon ressenti du moment, sans même penser au fait de l’inclure ou non à l’album.

Il faut dire que la période que l’on venait de passer juste avant était très particulière. Je sentais le besoin d’en faire comme un aide-mémoire que je pourrais rouvrir d’ici quelques années. Ce fut un moment clé aussi dans le sens où c’est là que j’ai pris la décision de me recentrer sur mes qualités artistiques propres, contrairement à ce que j’avais proposé dans le deuxième album, où j’avais exploré beaucoup de sentiers différents. Ici, j’ai remis l’église au milieu du village en me disant, toi, tu as un message à faire passer et le meilleur habillage de la chanson est le plus simple, un guitare-voix posé »

Confestmag : d’où vous viennent ces messages, ou plutôt les thèmes abordés dans ces textes ?

« Franchement ? Je les laisse venir à moi. C’était différent quand j’avais une commande pour un autre artiste, car là il y a parfois des directives ou critères à respecter, j’arrivais alors à me centrer sur le thème proposé. Mais dernièrement, j’ai changé ma méthode de travail. Comme ces chansons sont cette fois pour moi, je ne mets pas de limites et je les laisse venir à moi car l’inspiration peut venir de tout aspect du quotidien, d’un film que je vois, d’un simple mot qui sonne bien même, comme ce fut le cas par le passé avec « Eldorado » ou « Espanola ». Il y a une sonorité particulière qui évoque immédiatement des choses. Et puis cette liberté s’applique aussi désormais à mon mode complet de travail. A une certaine époque, je m’obligeais, comme une astreinte, à fournir une tâche précise. Désormais, si ça vient, tant mieux, mais sinon, on verra plus tard. Je ne m’inflige plus cette torture psychologique du devoir. (rire) »

Confestmag : quel est l’état d’esprit qui vous accompagne lors de votre retour sur scène ?

« Ah, je suis content. C’est pour cela, notamment, que j’ai choisi ce métier. Rencontrer le public, c’est un besoin. Faire un album, c’est juste un prétexte pour pouvoir ensuite revenir sur scène. Avec le petit grain de folie supplémentaire de vouloir, cette fois, me mettre en danger, ce pourquoi j’ai opté pour un seul sur scène, juste avec ma guitare. Je me fais violence, je l’avoue, car la pression est énorme. Le show ne dépend, là, plus que de moi. Il n’y pas un musicien qui peut m’épauler si je mets un petit coup de côté. Etre seul en scène, c’est à la fois une liberté et une pression énorme. Mais je me suis dit que si cela me faisait peur, c’était le signe que j’étais sur la bonne voie, que c’était ça la chose à faire. C’est là le vrai challenge ».

Seul face au public, Jali ne se démonte pas.

Confestmag: un défi qui semble vous réussir...

« C’est le ressenti que j’en ai. Je n’ai pas encore beaucoup tourné avec ce concept, mais aux Francofolies l’an dernier, et ici à l’Inc’Rock, les retours sont encourageants. J’ai compris que quand les gens viennent voir Jali sur scène, ils ne viennent pas pour la prestation d’un batteur ou le solo d’un bassiste mais pour écouter des chansons. Cela me fait plaisir car je suis arrivé dans la musique par l’écriture et l’amour des textes, et se rendre compte que le public apprécie l’histoire racontée et l’artiste, sa personnalité, c’est très réconfortant. Dans cette configuration, j’ai aussi la liberté de pouvoir digresser et m’adresser à l’assistance autant que je le désire. Cela me permet de me découvrir et de montrer à ces gens qui je suis vraiment. »

Confestmag : un seul en scène non pas avec une mais bien plusieurs guitares, dont une très spécifique.

« Je suis fier de cette guitare, qui est unique, car elle a été faite sur mesure pour moi par un luthier de Bruxelles qui s’appelle Rafael (Jug Instruments). Je lui ai apporté un jour une guitare à réparer et il m’a dit qu’il construisait des instruments dans son grenier. Il m’a invité et il ne m’a pas fallu une seconde pour craquer en voyant son travail. J’ai directement dit que j’en voulais une.

Il a commencé à la fabriquer et j’ai participé à son habillage en dessins. C’est donc une véritable personnalisation de l’instrument. Mon premier de ce genre. Et j’ai remarqué, après coup, que cela m’avais manqué. Je n’avais encore jamais eu un instrument qui ne se rapporte qu’à moi. C’est un compagnon un peu comme Milou avec Tintin. Maintenant, il y a Jali et sa CigarBox. Pour le premier album, j’avais un béret, là c’est cet instrument personnel.

Jali et sa Cigarbox personnalisée

Et c’est symbolique car les premiers instruments de ce type datent de l’époque des esclaves afro-américains  qui se servaient des boites à cigares de leurs maîtres pour confectionner des instruments; ça date donc, je ne l’ai nullement inventé. Mais c’est d’avoir pu participer un peu à sa personnalisation qui me rend fier ».

Confestmag : dans les thèmes abordés par votre album, on retrouve le cinéma, évoqué récemment par d’autres artistes comme Christophe Maé par exemple. C’est la mise en scène de la vie qui vous interpelle ?

« Je ne peux évidemment parler que de mon interprétation, mais c’est relatif à ce monde de l’image qui montre une immédiateté de la réussite qui n’est pas réelle en fait. Tu croises un gars en rue, et deux jours plus tard, il passe à la tv et devient une star en claquant des doigts. C’est du moins l’image présentée par la télé réalité et les réseaux sociaux. Or dans la vraie vie, ce n’est pas du tout ainsi. Ce n’est jamais du jour au lendemain. En amont et en coulisses, il y a des heures, des mois, des années parfois de travail et de remise(s) en question. Dans cette chanson, composée avec James Deano, j’ai voulu mettre le doigt sur cet aspect de l’image. La vie, ce n’est pas comme au cinéma. Devant la caméra, ça semble magique et féérique, mais derrière, ce n’est pas si rose. Malheureusement, mais heureusement aussi, c’est plus difficile qu’un claquement de doigts. On doit essayer, réessayer, se planter, se remettre en question, se relever. C’est un peu cela la genèse de cette chanson. » 

Confestmag : certains artistes et organisateurs de festivals se plaignent que la reprise des activités culturelles traîne un peu des pieds. Est-ce également votre ressenti ?

« Je ne peux pas me plaindre car chaque fois que j’ai joué à Incourt, il y avait du monde (Ndlr : c’est son 3e show à l’Inc’rock), et cette fois n’a pas dérogé à la règle. J’ai eu un peu d’appréhension car quelques minutes avant ma montée sur scène la plaine était encore un peu vide, mais le public est arrivé à temps (rires). Maintenant, peut-être que ma longue absence a joué un rôle car certains voulaient me revoir, question de nostalgie. C’est un bon point pour moi, je suis content. Mais je ne pourrais pas m’avancer concernant les galères éventuelles de certains festivals. Les habitudes du public ont changé, sans conteste. On sort moins qu’avant, on rationalise même sur les restos. Du moins de mon côté. Mais c’est la résultante de ces deux – trois ans de pandémies. Croisons les doigts pour que cette saison 2023 des festivals soit plus …festive. Ici, pour le premier de la saison, il y a du monde, donc c’est de bon augure. »

Confestmag : et quid de l’actualité de Jali ?

« Je continue à écrire pour d’autres artistes, une tournée des centres culturels est prévue pour la rentrée, et certains projets sur de bons rails mais je ne peux pas encore en parler car on ne sait jamais, comme auteur, si sa chanson sera sur l’album de la personne pour laquelle vous l’avez écrite.

Par contre, je suis toujours Idyl, une artiste que j’avais eue dans mon équipe à The Voice Belgique (de son vrai nom Barbara Hermans) et que j’ai un peu pris sous mon aile. Et quelque chose que les gens ne savent pas toujours, c’est que je suis aussi actif dans la production de rap. Je suis très éclectique à la base, mais j’écoute quand même énormément de hip-hop. J’ai toujours eu cette frustration de ne pas en faire moi-même, alors j’ai jumelé mon activité dans la prod à mon attrait pour ce genre musical.

On vient notamment de travailler sur un titre de Scylla, en featuring avec Akhénaton, le chanteur d’I Am. Je très fier de cette composition et d’autres sont prêtes à sortir. Et côté concerts, il y aura les fêtes de la musique à Durbuy (juin) et les caravanes aux chansons (itinérant). Pour les gros festivals d’été, la sortie de mon album fut un peu tardive. Les plannings étaient déjà bien remplis. Mais qu’ils n’hésitent pas à me contacter au besoin… on pourrait peut-être encore caser une ou deux dates dans mon agenda (rire) ».

ReMarck (90)

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