La pluie ouvre de nouveaux horizons aux Nuits Botanique.

Le célèbre complexe (4 salles tout de même) artistique bruxellois appelé simplement Le Botanique, en référence à son emplacement géographique au cœur de la capitale, proposait la 32e édition de son festival Les Nuits du 15 au 25 mai dernier.

Après avoir fait un crochet par l’endroit le 20, pour la venue exceptionnelle d’Azealia Banks, Soo Joo, Miss Madeline et Swank Mami (vous pouvez retrouver notre article en cliquant ICI), nous devions couvrir l’entièreté du dernier week-end pour vous rapporter clichés et impressions.
Dans ce cas de figure, et vu l’agencement du line-up, avec des chevauchements prévus dans les concerts, un reporter, du moins c’est mon cas, effectue quelques recherches préalables afin d’évaluer au mieux quel serait le planning le plus approprié pour manquer le moins possible car si l’adage dit que « choisir c’est renoncer », nous ne disposons pas du don d’ubiquité, ce qui limite de fait notre capacité à pouvoir tout voir et entendre.

Nous avions, donc, établi une première feuille de route pour le samedi. Autant vous le dire de suite, cette feuille a pris l’eau comme un partie de l’infrastructure extérieure, car oui, la pluie s’est invitée sur notre pays, entraînant un chamboulement assez prononcé à de nombreux échelons. On pourrait presque parler d’effet papillon ou plus symboliquement d’effet domino.

Ceux qui étaient sur place pourront vous le dire, nous avons rapidement remarqué qu’un souci empêchait les artistes de la scène extérieure, prophétiquement appelée « Fountain Stage », de se produire, l’une des consoles ayant, semble-t-il, subi une attaque aquatique durant la performance de Kaicrewsade (que nous avons malheureusement manqué, arrivant juste pour le dernier morceau). Une telle tuile ne peut que se répercuter sur la programmation car il était alors trop tard pour rapatrier le matériel et procéder aux balances de ces artistes censés se produire sur la scène extérieure en leur offrant une challenge bis à l’intérieur.

Ce sera pourtant le cas pour Lella Fadda, mais au prix d’une attente assez longue pour la chanteuse puisqu’elle se produira vers 23h00 alors qu’initialement elle devait chanter à 14h45. On ne peut que saluer la résilience de l’artiste et le travail acharné des équipes techniques pour lui permettre d’offrir son set dans les meilleures conditions.

Pour d’autres, pas autant de chance puisque Jewel Usain et Yukimi ont tout simplement vu leur show annulé. Le doute planera ensuite sur la possibilité de pouvoir réutiliser la scène extérieure et son matériel dédié. Doute enfin levé aux environs de 20h00 lorsque Krisy reçoit le feu vert des techniciens.

Pour nous, il est malheureusement trop tard car votre serviteur n’a pas résisté aux changements climatiques liés à l’arrivée de ces ondées prononcées et surtout à la baisse brutale des températures qui les a accompagnées. Fin de festival écourtée donc, histoire de préserver le peu de santé qui nous permet encore de rentrer au domicile. Malgré ce choix de la raison, nous ne pourrons réitérer l’expérience le dimanche, devant jeter l’éponge avant le premier round. Qu’à cela ne tienne, nous avons tout de même pu voir, partiellement, les prestations de six artistes. Nous allons vous montrer quelques clichés et décrire très brièvement notre ressenti de cinq d’entre eux, ceux qui ont retenu positivement notre attention.

Mais, tout d’abord, une question doit vous chatouiller les méninges. Quid du public qui se déplaçait pour les artistes devant se produire l’après-midi sur le plateau externe ? Et bien c’est là, encore plus que les autres jours, que le concept de ticket unique permettant à tout un chacun, avec son sésame, d’accéder à l’ensemble des concerts du jour, a montré toute son utilité. Certes, ils n’auront pu assister aux prestations de Jewel Usain et Yukimi, mais ils auront, en contrepartie, pu (re)découvrir Roza, Ruthee, Nsangu, Bina. et Miso Extra, les pépites qui vont vous être présentées ici.

Roza est une jeune artiste (25 ans) qui utilise la chanson comme un moyen d’expression multi facettes. Ses paroles sont empreintes de sens, abordant des sujets de société, ses ressentis, ses peurs face aux dérives actuelles, mais sa voix douce parfois très haut perché et l’accompagnement musical qui est proposé (avec de nombreuses cordes, mais aussi une batterie) nous emmènent dans un monde parallèle, où le public semble bercé par un flot de nuages apaisants. « Coule Amour », « Rivière », « Si Petite » sont autant de titres tirés de son premier album, mais pour profiter pleinement de la tessiture vocale si particulière de Roza, nous vous conseillons d’abord « Entre-deux » et cet appel à profiter de chaque aspect de l’existence qui réside dans « Rappelle moi la Beauté ».

Pour son passage au Bota, aucune autre salle que l’Orangerie n’aurait pu convenir car Roza n’est pas venue seule. Un violoncelle, une contrebasse, une batterie et un clavier, cela prend de la place sur scène. D’autant que Roza ne vient pas simplement se poster devant son micro. Non, l’artiste joue également d’instruments, danse et propose même des tableaux singuliers en ombres et lumières, profitant d’un voile translucide. Opération séduction réussie pour celle qui, il y a peu encore, pédalait à travers l’Hexagone pour aller à la rencontre d’un public improbable et surtout improvisé.


Présentée comme une étoile montante du R&B français, Ruthee sait déjà comment électriser un public. Une voix chaude, des rythmes emballés, des textes qui parlent à une grande partie de l’assistance comme dans « Le mal de toi »…

Française, certes, mais pas que ! Ruthee se présente comme étant 100% de la Côte d’Ivoire et ce soleil se ressent en effet dans ses morceaux. Voici une belle éclaircie dans cette journée grisâtre et pluvieuse à souhait. Le public ne s’y trompe pas et rentre directement dans l’univers de Ruthee dont le titre « Idiu su suma » (Apaise ton cœur en dioula) fait mouche. C’est en chœur que l’assistance reprend le refrain. Là aussi, pari gagné.

Nsangu n’est pas réellement une découverte car nous l’avions déjà vue, et appréciée, aux Solidarités lors de l’été 2024. Originaire de Liège, elle s’est établie à Bruxelles pour son travail (RTBF) mais surtout pour pouvoir suivre le Cours Florent en soirée.

Le théâtre fait en effet partie de la palette de talents de mademoiselle. Cet aspect de sa personnalité explique sans doute son aisance sur scène, mais ses principaux atouts résident dans sa voix, puissante pouvant toutefois laisser rentrer le soleil par quelques failles, et la force de ses textes. Sans omettre la plus-value de son métissage culturel (ses parents sont Congolais). Nous n’avons pas été déçu de cette deuxième visite dans l’univers de l’artiste. C’est toujours aussi prenant, sa diction est parfaite malgré un flow parfois endiablé et elle semble maîtriser encore un peu plus son élément. Vous ne connaissez pas encore ? Jetez une oreille attentive à « 00h43 » et « Connard », vous pourriez apprécier.

On quitte désormais le côté francophone, et nous traversons la Manche, direction London pour les deux artistes suivantes, les dernières de notre sélection donc. Pour ceux qui sont touchés par le mal de mer, pas d’inquiétude à avoir, c’est aussi cela l’intérêt d’un festival, pas de réel déplacement pour nous, car London vient cette fois à nous, et nous pourrions même parler des clubs londoniens car Bina. et Miso Extra voguent sur la vague électronique de manière si habile que leurs sons peuvent égayer la plus select des discothèques, qu’elle soit située de ce côté ou de l’autre de ce bout de mer qui nous sépare.

Short mi-long noir, chaussures hautes tiges type ABL mais en version luxe, chaussettes de sport blanche dépassant légèrement, débardeur blanc sur lequel reposent 3 cravates design… on peut dire que le look de Bina. est singulier.

Originaire du sud de Londres, la chanteuse connait un premier succès en 2019 avec son EP Humble Abode. Son deuxième fut encore plus marquant, la tendance RNB, néo soul, Indie étant toujours présente mais dans des teintes plus sombres. Bina. se sert en effet de son expérience personnelle pour imager ses chansons, soit le parcours d’une jeune femme noire à la recherche d’elle-même. Cela peut paraître un peu prise de tête présenté comme cela, alors qu’au contraire, l’artiste fait au plus simple, ayant composé la plupart des morceaux chez elle, sans chichi, à l’instinct.

C’est brut, parfois basique, mais sans bercer dans la simplicité. Un exemple ? Ecoutez « Dopamine » et fermez les yeux. Vous toucherez alors du bout du doigt l’univers underground de la capitale anglaise.

Last but not least, Miso Extra est une artiste née à Hong-Kong mais imprégnée de ses deux cultures d’origines, la japonaise et l’anglo-saxonne. Cela donne un mélange détonnant qui offre à la chanteuse une personnalité et un univers unique qu’elle qualifie elle-même de « Misoverse ». Si elle n’a fait son apparition officielle dans l’univers musical qu’il y a peu, son premier album « Earcandy » venant de sortir il y a quelques semaines à peine, le public l’apprécie déjà énormément. Un panaché de genres musicaux, un mix de paroles en anglais mais aussi en japonais, une personnalité attachante qui rayonne sur scène et ne cesse d’envoyer des sourires … quel est l’élément qui favorise cet engouement presque soudain ? Est-ce vraiment important de le savoir ? Le principal, c’est que cela « matche » avec l’assistance, ce qui fut le cas lors de cette sortie au Botanique.

En conclusion, nous n’aurons pas assisté aux performances des artistes les plus attendus du week-end, certes, mais nous avons (re)découvert plusieurs diamants qui en sont à des phases différentes de leur évolution, certains devant peut-être plus que d’autres encore être un peu affinés pour briller de mille éclats, mais la qualité est là, à portée d’oreilles. Alors oui, la pluie a bousculé nos plans, mais était-ce vraiment si négatif finalement ?
Retrouvez les clichés de notre passage sur la page FB – ReMarck Photos.