Kiki n’est pas un donneur de leçon.

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Pas de Kiki l'Innocent mais Luc Navet dans "Donneur de leçon"

Ce 11 novembre, à l’occasion de la Saint-Martin, c’est au Centre Culturel d’Amay que Martin Charlier, que certains connaissent plutôt pour son personnage de Kiki l’innocent, un supporter acharné du Standard de Liège qui fait parfois preuve de mauvaise foi mais toujours avec un sourire bienveillant, s’est produit à l’invitation de Cedrole, la jeune société gérée par Cédric Montulet qui fait la part belle aux spectacles d’humour.

Martin Charlier en mode automobiliste « Bob » (Bien Obligé de Boire).

A quelques jours à peine de l’ouverture officielle de cette coupe du monde très particulière (se déroulant en hiver, dans un pays où toute l’infrastructure a dû être construite parfois dans des conditions peu cohérentes avec certains préceptes des droits de l’homme, et où l’air conditionné va circuler à foison alors même qu’une grande partie du monde fait face à une crise énergétique…), on croyait donc voir l’ardent supporter revêtir sa tenue colorée et au moins lancer quelques piques sur la sélection de Roberto Martinez, puisqu’aucun joueur de Sclessin n’a été retenu parmi les Diables (Amallah est toutefois repris avec le Maroc), mais l’humoriste originaire de Verviers a pris le pli prendre le contre-pied de ce scénario en écartant justement ce personnage emblématique de son spectacle actuel, « donneur de leçon ».

Chacun peut s’y reconnaître, ou plutôt reconnaitre un proche…

Dans ce one-man show (le 7e de l’humoriste tout de même, qui vient cela dit de fêter ses 17 ans de carrière sur les planches du Forum), ce sont plutôt Madame Rigide, Luc Navet, la voisine encombrante et sans gêne ou l’homme politique prêt à tout pour récupérer des voix qui ont la part belle.

Au terme de ce spectacle très divertissant car chacun peut y retrouver des traits communs à des personnes de son entourage et que ces traits sont évidemment grossis de manière à rendre les situations cocasses, l’humoriste nous a accordé une interview dont nous vous livrons ici le contenu.

Madame Rigide, une prof « à l’ancienne »

Martin Charlier, dans ce nouveau spectacle, on ne trouve pas trace de Kiki, c’est la première fois depuis longtemps qu’il n’apparait pas dans votre show.

M.C  « Oui. Le personnage a été créé en 2013. Evidemment, dans le spectacle qui suivait, en 2014, « Kiki mouille son maillot », il faisait 3 apparitions, au début, au milieu et à la fin de la prestation, puis dans « Ceci n’est pas un Kiki », j’avais déjà envie de mettre un peu des limites en disant oui, il y a Kiki mais pas que… il n’apparaissait donc plus que deux fois. Et ici, naturellement, j’ai imaginé le fil conducteur sans penser à lui. Mais ce n’est pas pour cela qu’il ne reviendra pas plus tard. Mais pour répondre à la question, oui, je confirme, c’est la première fois depuis une dizaine d’années qu’il s’efface ainsi de mon spectacle. »

Kiki laisse la place à d’autres personnages.

Ce spectacle va-t-il continuer en 2023 ?

« Oui, j’ai déjà pas mal tourné avec depuis un peu moins d’1 an, mais il va encore évoluer. Cette année était un peu particulière pour moi car j’ai enfin pu fêter mes 15 ans de scène au Forum avec plein d’invités. Enfin, 15 +2 grâce au Covid, hein ! C’était autre chose avec l’appui d’un groupe, de musiciens, des amis venant sur les planches avec moi, un écran géant. En gros, la préparation de cet événement fut chronophage et j’avais donc un peu mis « Donneur de leçon » entre parenthèses mais là je reprends la route avec. Je serai d’ailleurs dans la province du Luxembourg dans la deuxième moitié du mois de novembre. »

Une petite note de Wallon.

Dans une interview précédente, vous racontiez que vous n’étiez pas contre l’idée de faire évoluer votre jeu de one man show vers des spectacles en duos ou avec plus d’intervenants. C’est toujours dans un coin de votre tête ?

« Oui, mais je le fais déjà un peu en participant à une pièce de théâtre. C’est une pièce écrite et jouée par Catherine Jandrain, la sœur de Fanny, et nous sommes quatre sur les planches. Son titre est « La belle imprévue » (dont la version anglaise tourne à New-York). Jusqu’ici, nous l’avons jouée à une dizaine de représentations »

« J’adore toujours être seul sur scène, mais j’avais besoin de trouver une étape intermédiaire vers mon prochain objectif, le cinéma. C’était tout du moins l’approche qui était la mienne mais je me suis surpris à prendre énormément de plaisir à enfiler un costume de comédien, comme quoi le théâtre peut aussi être une finalité en soi. D’autant qu’ici, je ne suis pas nécessairement dans le registre comique. C’est une comédie, vous y retrouverez d’ailleurs Freddy Tougaux (clin d’œil), mais j’ai un rôle à contre-emploi ici puisque je suis, dans la pièce, une personne qui a des envies, et qui est sur le point d’ailleurs, de se suicider. Mais au moment où il est prêt à passer à l’acte, on sonne à la porte et c’est la voisine qui vient lui demander pour se réfugier chez lui car elle est battue par son mari. En agissant ainsi, elle lui sauve la vie sans s’en rendre compte. S’en suit une cascade d’éléments comiques mais qui sont plus apportés par le personnage de Freddy Tougaux et de la femme de ménage ».

Tristan, un serveur que l’on rêve…de ne pas avoir.

« Cette pièce est toujours à l’ordre du jour, mais il n’est pas toujours évident de trouver des disponibilités dans nos emplois du temps, et c’est là où je me rends compte aussi que plus il y a de comédiens, plus c’est difficile d’organiser le planning. Mais, bonne nouvelle, nous retournons à Charleroi et Liège d’ici quelques mois. ».

Voici un pas, mais étant auteur de tes sketches, envisages-tu d’écrire une pièce de théâtre à l’avenir ?

« Pas spécialement non. J’ai plus l’envie de les jouer. Je tire d’ailleurs mon chapeau à Catherine car elle a écrit la pièce, la met en scène et joue dedans. Ce sera peut-être pour plus tard, je ne ferme pas définitivement la porte à l’idée, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Là, je suis en mode comédien, et peut-être, à terme, acteur. »

La voisine envahissante fait aussi partie du tableau.

Revenons un peu sur l’actualité…sportive, avec cette coupe du monde, dont Kiki l’innocent ne fera pas la présentation officielle puisque ce sont Kody et Pablo Andres qui sont aux commandes.

« Et non. Mais je ferai quand même quelques apparitions, sans pour autant ressortir le personnage de Kiki car c’est un personnage qui réclame de la réactivité de la part du public or depuis la période covid, il y a nettement moins de monde sur les plateaux. Quand je l’ai fait en 2014 pour le Brésil, il y avait 150 personnes dans le public. Les gens devenaient fous car c’était le retour des Diables rouges en coupe du monde et il y avait une ambiance de malades. Là, je sens que c’est un peu plus sérieux, ci n’est nin fait pour Kiki tout çoulà. J’irai par contre pour la séquence de la buvette qui sera plus orientée vers des jeux, avec des invités ».

Martin Charlier sera donc moins actif à la coupe du monde du Quatar ?

« C’est terrible hein cela. Cela a généré pas mal d’interrogations avec une coupe du monde en novembre. Et on aura des matches à 10h du matin au premier tour ! Bon, mais oui, c’est voulu. Cela avait tellement eu de succès ce personnage que certains ont cru que j’étais d’abord un supporter et que j’allais me lancer sur scène. Quand tu as déjà des années de planches derrière toi, cela te mets un coup (rires). J’ai donc eu un peu peur d’être cadenassé dans un rôle ou un personnage à l’instar de Momo ou Albert Cougnet qui sont à la limite plus connus que les acteurs qui les jouent, malgré leur talent. J’ai donc été attentif dès le début, et ce même si j’adore le foot et le personnage de Kiki, à ne pas devenir Kiki. Le Grand Cactus m’a fait beaucoup de bien à ce niveau car j’ai pu y incarner plusieurs visages, même si le problème pourrait maintenant se poser avec le présentateur de cette célèbrissime émission de jardinage (rires). »

Le monde politique en prend aussi pour son compte…

Il faut avouer que c’est un sketch qui percute particulièrement bien et qui fait toujours mouche.

« C’est moi qui suis à la plume de toutes les apparitions de ce personnage au Grand Cactus. J’ai donc une centaines de sketchs sous ces traits. Je note à chaque passage les répliques qui plaisent le plus au public et en condensant cela, c’est généralement gage de réussite. D’autant que je peux modifier le texte en fonction de la saison. Le point positif, c’est de voir que l’on est convaincant dans ses personnages. »

Et si l’on se projetait dans quelques mois, ou années, est-ce que le projet de Martin Charlier serait toujours de faire du cinéma?

« J’aimerais beaucoup. Et de nombreuses personnes me poussent d’ailleurs à m’orienter vers le grand écran car ce que l’on fait au Grand Cactus est un travail de comédien, or mon idole quand j’étais petit était Louis de Funès. C’est le métier que je rêvais d’avoir, pas acteur mais Louis de Funès. On retrouve d’ailleurs un peu de cette énergie dans le personnage de Kiki. C’est mon modèle. Je voudrais pouvoir participer à des films entièrement comiques comme il y en avait à son époque. Mais j’ai l’impression qu’il y en a moins. La dernière production marquante dans le genre doit être « Le dîner de cons », bien que « Bienvenue chez les Ch’tits » est aussi un bon concept. Le mérite de ce film est d’avoir fait ressortir la fierté et l’identité particulière d’une région, j’ai juste la petite frustration qu’ils n’aient pas tourné cela à Liège (rires). On aurait pu apprécier « Bienvenue chez les Liégeois ». Je suis très nostalgique de cette époque où il y avait aussi ce duo terrible Pierre Richard/Gérard Depardieu voire celle du Splendid (Les Bronzés). »

Tel un caméléon du quotidien, Martin se fond dans chaque personnage.

L’appel est donc lancé aux réalisateurs, scénaristes et autres metteurs en scène, mais d’ici là, Martin Charlier continue de proposer son spectacle « donneur de leçon », histoire d’oublier pendant 90 minutes environ les tracasseries du quotidien.

ReMarck (147)

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