La leçon de vie de Metallica ! :


Crédit photo : Ross Halfin
Hormis un album symphonique en 2019 regroupant leurs meilleurs titres, voilà déjà 7 longues années que Metallica avait fait voeux de silence, après avoir sorti un dernier effort studio « Hardwired To Self Destruct », que l’on peut envisager soit comme une oeuvre en deux actes et/ou deux albums distincts. Depuis hier fort heureusement, le groupe est finalement sorti de sa réserve avec une nouvelle production sous le manteau qui a pour titre « 72 seasons ». On vous prévient d’emblée, inutile d’y voir une réponse au réchauffement climatique, en inventant 68 saisons de plus qui nous permettraient de passer entre les gouttes et d’échapper aux défis qui nous attendent en la matière pour refaire de notre planète, un espace viable. Certains mélomanes se croyant avertis ont même considéré que le titre était une référence à la durée initiale de ce nouvel album, mais manque de pot ils ont probablement loupé 5 minutes des 12 titres qui le composent.
En fait, l’album est une référence au nombre de saisons que chaque humain vit avant de devenir réellement adulte, et c’est dans cet espace temps que se façonne leur vrai ou faux moi, et ce nouveau projet consiste donc à ruminer sur l’enfance, sur l’influence des parents et sur la façon dont les croyances transmises à ce stade d’une vie peuvent affecter la perception du monde qui nous entoure. De ces expériences de vie vécues lors de l’enfance va pouvoir se greffer notre expérience en mode adulte qui sera véritablement soit une reconstitution, soit une réaction à notre vécu d’enfant. De toute cette hypothèse découle le constat que nous restons prisonniers de l’insouciance de l’enfance du moins dans le meilleur des cas, et/ou que nous parvenons à nous défaire des chaînes que nous portons. Dès novembre de l’année dernière, le ton était donc donné avec le nouveau single que l’on peut traduire par lumière éternelle en référence à la liturgie catholique, permettant ainsi au chanteau leader de Metallica, James Hetfield d’évoquer l’ensemble des démons aptes à cadenasser une vie.
A travers ces nouvelles compositions, James Hetfield continue à étaler ses tourments intérieurs qui depuis l’album précédent restent bien présent, et même les séances passées chez son psy ne sont pas parvenues à éviter de nouvelles cures de désintoxication et un divorce après 25 années de vie commune. Comme ce fut le cas chez certains sujets torturés, la récente pandémie n’a pas été une époque formidable pour tenter d’aller mieux, mais paradoxalement pour James Hetfield, ces années ont été surtout synonymes d’un break assez positif et d’une lente tentative de guérir surtout que l’artiste n’est pas un citadin et qu’il vit dans une vallée montagneuse, ce qui lui a permis de ne pas subir la pression et la peur engendrées par ce satané virus. De ce fait, il a pu regarder ses démons en face, ce qui ne veut pas dire que sa vulnérabilité n’est pas mise en lumière à travers les nouvelles compositions.
Cette façon de travailler à distance à également permis à Kirk Hammet et Robert Trujillo d’être mis plus en avant et de pouvoir ainsi mettre leurs idées en avant, tout en exprimant leur créativité, eux qui semblaient étouffés ces dernières années par la prédominance du tandem Lars Ulrich/James Hetfield au sein du groupe, qui ont même fait croire à plus d’uns qu’en poursuivant cette forme de non-collaboration, le groupe risquait fort bien de se séparer, mais à entendre James Hetfield, tout est fait pour que cela ne se produise pas et que ces affirmations prennent surtout leurs sources à travers l’angoisse d’un public qui vivrait cela très mal, surtout après plus de quarante ans de carrière. Comme certains artistes dont la majorité des jeunes ignoraient l’existence jusqu’ici mais qui redeviennent populaires par le biais de séries diffusées sur Netflix notamment, Metallica a vécu le même phénomène de redécouverte auprès d’un public moins averti, lorsque leur titre « Master Of Puppets » qui remonte quand même à 1986, a été diffusé à l’occasion d’un épisode de Stranger Thing, une série qui a fait également renaître de ses cendres, Kate Bush.
Quand Metallica ne tente pas de revenir sur le devant de la scène, le groupe se penche sur le regain du public pour le retour des vinyles, avec des artistes tels que Billie Ellish ou encore Taylor Swift font tourner à plein tube les usines de pressages qui n’arrivent plus à suivre le nombre de commande sur lesquelles elles croulent et c’est pour cette raison que Metallica a racheté une usine de pressage apte à produire plus de 25.000 unités par jours, de quoi assurer à « 72 seasons », une très bonne présence dans les bacs au format vinyle également. Cette acquisition peut paraître paradoxale lorsque l’on sait que le groupe n’avait plus rien sorti de neuf depuis 6 bonnes années, mais il ne faut pas oublier que les productions issues du back catalogue continuent à bien se vendre, et que les fans avertis souhaitent disposer des oeuvres de Metallica au format physique et donc par conséquent de vinyles, faisant ainsi un pied-de-nez à un univers musical dématérialisé qui s’étend de plus en plus ces dernières années.
Avec sa vulnérabilité et sa volonté de livrer ici une oeuvre musicale faisant office de psychothérapie, James Hetfield revient sur le devant de la scène avec des textes plus sincères que jamais, des mélodies des plus inspirantes et des envolées plus aiguës que jamais avec un jeu de guitare toujours aussi tranchant et précis. Au lieu de s’attarder sur la démonstration de type virtuose, Metallica se la joue efficace et donne la priorité à la simplicité technique, en écartant même de ce nouvel opus, les ballades mais en nous accordant tout de même une bonne surprise avec un titre de 11 minutes « Inamorata », un hommage dissimulé à Mylène Farmer sans doute, lol qui se caractèrise par un soin moins métalleux mais plus rock. Bref comme la majorité des groupes phares revenus récemment, Metallica démontre qu’il lui en reste encore sous le capot et que l’aventure n’est pas prête à s’arrêter après cette nouvelle oeuvre de bonne facture à rattacher au Black Album.