Jean-Louis Murat, un best-of en guise de testament :

CREDIT PHOTO / CAPTURE D’ECRAN INA 1994.

Cruauté de la vie qui se joue souvent de nous car en cette fin de semaine, nous étions censés être à la fête à l’occasion de la sortie du best-of de Jean-Louis Murat, de son vrai nom Jean-Louis Bergheaud, oui mais voilà la veille, le monde de la musique fut endeuillé des suites de la disparition de l’artiste emporté par une embolie pulmonaire, et qui nous laisse derrière lui une bonne vingtaine d’albums car il était besogneux et au cours des dernières années, il avait opté pour sortir un album par années comme au bon vieux temps où les artistes de l’époque qui berçaient nos vies, n’attendaient pas des années pour revenir avec de nouveaux projets.
Même si le grand public a fait la connaissance de Jean-Louis Murat grâce à Mylène Farmer qui lui avait demandé s’il était d’accord pour mêler sa voix à la sienne sur le sublime titre « Regrets », extrait du troisième album « L’autre », paru en avril 1991, c’est trois ans auparavant que la carrière du poète auvergnat prend son envol, grâce au succès de l’album « Cheyenne Autumn » et en particulier de deux singles « Si je devais manquer de toi » et « L’Ange Déchu ». Etant donné que Mylène Farmer réussit son retour en 1991 après une première tournée triomphale en 1989, la voie semble toute tracée pour que l’un des guests de son dernier album connaisse également son heure de succès médiatique et c’est ce qui va se passer avec la sortie d’une nouvelle oeuvre discographique de Murat, « Le Manteau de Pluie », avec son single entêtant « Col de La Croix-Morand », qui reste en tête grâce à l’excellence des compositions, mais aussi en grande partie en raison d’une voix évanescente que l’on n’arrive pas à oublier et enfin cerise sur le gâteau, l’artiste est plutôt beau gosse, que demande le peuple !.
Ayant vu le jour par un bel hiver de janvier 1952 à Chamalières dans le Puy-De-Dôme, après avoir été chanteur et guitariste au sein du groupe Clara tout en poursuivant son travail de moniteur de ski et plagiste, Murat débute sa carrière artistique solo, grâce au maxi 45-tours, « Suicidez-Vous Le Peuple est Mort », renfermant 3 chanson mais qui ne connaîtra pas un franc succès au niveau commercial et les ventes ne sont pas au rendez-vous, ce qui ne veut pas dire pour autant que l’artiste laisse les critiques musicales totalement indifférents, et l’année suivante il publie son véritable premier effort musicale « Murat ». Se revendiquant d’un milieu ouvrier ou paysan, l’artiste en avait conservé une véritable force de travail et il n’était pas rare qu’il se consacre à son art premier tous les jours, en y consacrant 80 heures par semaines au minimum, avec cette devise à savoir que tout ce qui n’est pas donné est perdu, ce qui ne veut pas dire qu’il tombait en pamoison à l’idée de créer une oeuvre qui soit déjà un tube, que du contraire son souhait profond était tel un artisan d’écrire une chanson pour qu’elle devienne un tube dans la foulée, après sa mise en circulation.
Murat pouvait avoir une attitude paradoxale car même en tant qu’artiste francophone et en pleine phase de création, il souhaitait s’ écarter au maximum de la chanson francophone, comme on souhaite éviter une savoureuse pâtisserie pour échapper à l’addiction au sucre, et au niveau de sa collection discographique privée hormis des albums de Joe Dassin, on ne peut pas dire qu’il se reconnaissait beaucoup dans la scène française qu’elle soit nouvelle ou ancienne, et ce ne sont pas ses prises de paroles des dernières années qui vont démontrer le contraire, avec des attaques en règles contre ce que le public pourrait dénommer les piliers tels Johnny, Souchon avec également de jolis mots doux acides à faire en direction de la nouvelle génération dont notre Angèle nationale qui s’en était prise pour son grade, et s’il choquait on ne pouvait pas dire que Murat avait la langue de bois, et c’est assez réconfortant au sein d’une société assez formatée.
Outre la chanson, Murat a connu une grande histoire d’amour avec le septième art, en jouant dans le film de Jacques Doillon, « La Vengeance d’une Femme », avec à ses côtés deux pointures telles que Béatrice Dalle et Isabelle Huppert, et il fut également à l’origine d’un long-métrage qui n’a pas été diffusé au sens large du terme et qui s’intitule « Melle Personne », avec une bande originale composée par ses soins, tandis que Pascale Bailly se tenait derrière la caméra. Outre ce best-of qui vient de sortir, Murat nous laisse un album récent sous le coude, « La Vraie vie de Buck John, dont le titre lui a été inspiré par l’une de ses BD’s fétiches de son enfance, pour un album qu’il a enregistré en grande partie à la maison, avec une équipe on ne peut plus réduite. Comme toujours, on y retrouve les thèmes qui lui sont chers tels les voyages, l’amour, la transmission, l’histoire ainsi que des références à des grandes figures ayant marqué son enfance. Selon certains bruits de couloirs, un second opus était prévu à l’origine et souhaitons qu’il voit le jour à titre posthume, même si ce n’est pas le matériel qui doit manquer car Murat avait toujours des chansons dans ses tiroirs, sans pour autant les enregistrer de suite.
Si vous aimez les beaux textes ne donnant pas dans la facilité avec une verve poètique, et surtout des albums qui se succèdent sans pour autant se ressembler et qui ne recherchent pas le hit en puissance, alors l’oeuvre de Murat est pour vous et à redécouvrir en urgence !.