Isabelle Boulay s’attaque à du lourd ! :

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Credit photo : Max Abadian .

Le Grand Serge Reggiani disparu en 2004 avait reçu il y a quelques années les honneurs d’un hommage discographique de la part d’Isabelle Boulay, pour une revisite de son oeuvre en partie bien entendu et surtout accentuée sur la Dolce Vita à ne pas confondre avec l’oeuvre de Christophe, avec aux manettes également Benjamin Biolay et Philippe B. Un exercice de style ma foi très réussi car ce n’est pas évident de s’attaquer aux oeuvres des légendes de la chanson tout en se réappropriant leurs textes, mais dès la première écoute on pouvait se rendre compte que l’homme auquel elle rendait hommage avait toujours été pour elle un être inspirant, mais aussi modèle. Après avoir sorti un second album de reprises en automne 2019, consacré cette fois aux plus belles chansons de Noël, Isabelle Boulay en 2022 s’attaque à nouveau à une grande figure de la chanson française qui hélas nous quittait lui-aussi beaucoup trop tôt, j’ai nommé Alain Bashung, un sacré morceau me direz-vous et c’est compréhensible quand on ressent et que l’on écoute la poèsie contenue dans les textes chantés par Bashung, nous renvoyant sans cesse vers l’envie de lire, d’apprendre encore et encore pour être au plus proche de ce que cet artiste raffiné et racé tentait de nous décrire à travers son oeuvre.

Il aura fallu une foutue pandémie et l’impulsion de Claude Larivée qui s’occupe désormais de la carrière d’Isabelle Boulay pour pousser l’artiste dans ses moindres retranchements et affronter ses peurs de s’attaquer au répertoire d’une nouvelle grande pointure de la chanson francophone. Mise en relation avec Gus Van Go pour la réalisation et le mixage de ce disque et de Dumas qui a joué le rôle d’un véritable archiviste de l’oeuvre de Bashung, elle a pu mettre ses doutes de côté et se dire qu’elle était légitime pour se fondre dans l’univers de l’artiste disparu, même si au départ nous avons à faire à deux interprètes différents aux univers de qualité mais que tout oppose. Pour celles et ceux qui ont eu la chance d’étudier Bashung à l’école ou qui le feront un jour, il est vrai que parler le Bashung n’est pas un exercice de style facile et que bien souvent un décodeur est bien utile, tant le phrasé qu’il exploite surfe sur le sens et jouit de liaisons, tout en s’entichant de rimes au départ de mots jamais dits auparavant à travers les textes de ses consoeurs et confrères. Même avec des études littéraires en poche, Isabelle Boulay n’a pas pu éviter la difficulté de devoir expliquer aux musiciens que Gus Van Go s’était empressé de faire venir, tous issus de Los Angeles, imaginez le mélange des genres linguistiques tous concentrés sur une oeuvre dont il faut s’imprégner pour mieux en ressentir la moëlle, avec une Isabelle Boulay qui se dépatouille comme elle peut, car comment aller expliquer à des personnes dont la langue française n’est pas l’usage régulier à travers chaque jour que Dieu fait, que le sublime texte « La nuit je mens », extrait de l’album « Fantaisies Militaires », évoque en fait plus qu’une chanson sur le mensonge, à savoir l’occupation des Nazis mais aussi tout ce qui tourne autour de la Résistance, et elle ne pourra que remercier Jean Fauque et Doriand qui ont pu l’aider à y voir plus clair dans tout ce dico de mots en fusion. En dépit de toute cette aide précieuse, Isabelle Boulay va vite se rendre compte que déchiffrer du Bashung c’est un peu une cause perdue et qu’au final mieux vaut laisser planner le mystère de son univers pour une meilleure facilité de manoeuvre pour Isabelle Boulay, chargée ici de mettre son oeuvre en lumière.

Vu qu’elle n’a jamais pu le rencontrer et qu’elle n’a pas pu le voir en concert, aucune possibilité pour Isabelle Boulay de demander à Bashung à l’époque de lui donner des indices par rapport à une oeuvre, et encore faut-il que ce dernier aurait donné son aval, car comme dans chaque métier peu d’orfèvre donne en pâture ce qui fait l’originalité et la beauté de leur oeuvre. Après toutes ces hésitations et ces remises en question, Isabelle Boulay tout en restant celle que l’on a toujours connue vocalement, nous surprend à s’abandonner au phrasé de Bashung, ce qui au départ semble impossible et on assiste ici à la parfaite fusion entre deux beaux timbres graves de voix, avec dans certains titres tel Angora, Aucun Express, la sensation que les inflexions vocales d’origine sont suivies. En s’abandonnant à un phrasé qui n’est pas simple de base, Isabelle a osé alors pas étonnant qu’elle ait choisi « Osez Joséphine », en guise de premier single pour défendre cet album, qui constitue une fort belle surprise, et si Bashung et plus particulièrement son oeuvre, sont défendus aujourd’hui par une femme , c’est qu’en finalité la plupart des textes de l’artiste disparu, leur parlent, quoi de demander de plus à la vie en ce mois où l’on célèbre la journée internationale des Droits de la Femme, et non pas la Fête des Femmes, n’allez jamais dire cela, malheureux.

CHRISTOPHE COCU (237)

Auteur ConFestMag
Président du fan club officiel de Mylène Farmer Belgique

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